Trente ans après ses Considérations sur l’état des beaux-arts (Gallimard 1983), Jean Clair nous livre un essai désenchanté dans lequel il s’insurge d’abord contre la domination désormais installée de la loi du marché dans la sphère artistique, faisant des collections « inaliénables » de potentielles ressources financières. Transformées en valeurs d’échange, les œuvres délocalisées, voyageuses, privées d’identité et de destination, participent d’un déracinement de la création artistique en devenant étrangères au spectateur.
En outre, Jean Clair porte une charge radicale contre l’art contemporain dans une époque devenue pour lui « le temps du dégoût », déjà illustrée dans son ouvrage De Immundo, (Paris, Galilée, 2004). Des noms célèbres y apparaissent marqués du sceau de l’imposture, certains de façon récurrente, comme Jeff Koons, d’autres plus discrètement – Lucio Fontana, Orlan, Beuys -, d’autres enfin moins attendus – Louise Bourgeois. Sans doute sort-on quelque peu désespéré de cette promenade à travers l’art d’aujourd’hui. « La Beauté – nous dit Jean Clair- est devenue l’innominata de la pensée », celle dont on doit jamais prononcer le nom, sous peine de bannissement. Pourtant demeurent dans le siècle de nouveaux artistes maudits qui continuent inlassablement de créer des oeuvres magnifiques. Jean Clair voue son livre à ces « sacrifiés » abandonnés à « l’indifférence des pouvoirs ». A notre tour de les découvrir.
Jean Clair, L’Hiver de la culture, Flammarion, 2011